Rencontre avec Pierre Antony, à l'occasion de la première journée Handi Cancer
Le CNRS s’associe à la Ligue contre le cancer - comité du Bas-Rhin (LCC-67) pour avancer dans les déficiences intellectuelles et les cancers.
Focus sur le programme HanDI Cancer avec Pierre Antony, ingénieur CNRS en biologie, à l’occasion de sa participation à la 1ère journée de ce programme sur le thème Déficience intellectuelle & cancer, comment mieux accompagner ?
CNRS : Bonjour Pierre Antony, qui êtes-vous ?
Pierre Antony : Je suis ingénieur au CNRS et docteur en biologie moléculaire. J’exerce mes fonctions depuis 20 ans à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC | CNRS Inserm Unistra), situé à Illkirch.
J’ai rejoint en 2023 l’équipe de recherche du docteur Ali Hamiche, médecin et directeur de recherche CNRS. L’équipe est composée de 11 membres : doctorantes, postdoctorants, ingénieurs, chargés de recherche, médecins.
Une partie des travaux de notre équipe vise à mieux comprendre la biologie des glioblastomes pédiatriques ; ce sont des cancers agressifs qui se développent dans le cerveau ou la moelle épinière de l’enfant. Je suis notamment impliqué dans cet axe de recherche.
Pouvez-vous nous présenter le programme HanDi Cancer ?
Le programme HanDI Cancer pour Handicap - Déficience Intellectuelle - Cancer a pour objectif d'améliorer la prise en charge des personnes en situation de déficience intellectuelle en les accompagnant tout au long du parcours de dépistage, de diagnostic et de prise en charge de leurs cancers.
HanDI Cancer part du constat suivant : les personnes vivant avec une déficience intellectuelle présentent davantage de problèmes de santé que la population générale et rencontrent un accès aux soins souvent plus difficile.
Ce projet est porté par le Dispositif spécifique régional du cancer (DSRC) Grand Est NEON et par l’Adapei Papillons Blancs d’Alsace, une association parentale gestionnaire de services et d’établissements spécialisés dans l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, un polyhandicap ou un handicap psychique.
La déficience intellectuelle en chiffres
En France, on estime que la déficience intellectuelle concerne entre 600 000 et 1,2 million de personnes. En y incluant les proches aidants, ce sont près de 6 millions de personnes qui sont directement concernées.
Comment vous êtes-vous retrouvé impliqué dans le programme HanDi Cancer ?
En 2024, la Ligue contre le cancer - comité du Bas-Rhin a décidé de s’associer au projet HanDI Cancer.
Son président, le professeur Patrick Dufour, fondateur de l’Institut régional du cancer et administrateur national au conseil d’administration de la Ligue nationale contre le cancer, m’a proposé de devenir le référent pour le comité, en raison de mon profil et de mon engagement. Cette proposition s’appuie sur plusieurs éléments.
Tout d’abord mon expertise scientifique : j’ai un doctorat en neurobiologie moléculaire et de nombreuses années d’expériences en recherche. Actuellement nos travaux ciblent notamment les glioblastomes, un cancer cérébral très fréquent chez l’adulte. Cette spécificité les intéressait.
Ensuite je suis engagé de long dates vers les patients et la société civile. J’interviens dans des conférences données notamment en tant que secrétaire puis référent de la Société de biologie de Strasbourg. Cette mission de transmission est fondamentale et j’y suis très attaché.
Enfin en 2021 j’ai co-organisé en partenariat avec la délégation régionale du CNRS la Journée européenne du Handicap - une journée pour échanger sur handicap et insertion professionnelle. A cette occasion, des liens se sont noués.
Pourquoi le CNRS a-t-il souhaité être partie prenante de HanDi Cancer ?
Dans le cadre de son contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’Etat, un des six grands défis transversaux auxquels le CNRS ambitionne d’apporter des contributions substantielles à moyen terme est le cerveau.
Dans ce contexte, la proposition de Patrick Dufour de me confier la représentation de la LCC-67 pour la journée inaugurale de HanDI Cancer a été très favorablement accueillie par la direction de la délégation régionale Alsace.
Par ailleurs, l’intégration des personnes en situation de handicap ainsi que le maintien dans l’emploi des agents dont le handicap survient en cours de vie professionnelle sont des préoccupations majeures du CNRS.
Depuis 2007, cette politique volontariste se décline à travers plusieurs plans d’action successifs. Au sein de la délégation régionale, Colette Ehrmann assure le rôle de référente handicap et représente notre interlocutrice privilégiée sur ces questions. Ensuite avec l’accord et le soutien du docteur Hamiche, j’ai consacré une partie de mon temps à la préparation humaine et scientifique de cet événement, en cohérence avec les valeurs portées par le CNRS. Enfin, la transmission des savoirs vers la société est au cœur des missions du CNRS, et c’est également une dimension essentielle de mon engagement.
Le CNRS partenaire de la Ligue contre le cancer - Comité du Bas-Rhin au service du projet HanDI Cancer. A côté d’un système de purification d’échantillons biologiques (Äkta PureTM, Cytiva) : à gauche, Pierre Antony, ingénieur CNRS et Patrick Dufour, administrateur national au conseil d’administration de la Ligue nationale contre le cancer. Cet équipement a bénéficié d’un financement de la LCC–67 en 2023. Son utilisation par l’équipe d’Ali Hamiche permet une meilleure compréhension de la biologie des glioblastomes pédiatriques, cancers agressifs qui se développent dans le cerveau ou la moelle épinière de l’enfant.
© Ali Hamiche
Quelle a été votre contribution précise dans HanDI Cancer ?
A l’occasion de la première journée du programme HanDI Cancer le jeudi 19 juin dernier à Colmar, j’ai réalisé une présentation orale des soins oncologiques de support (SOS) proposés par la Ligue contre le cancer 67.
Cette présentation est le fruit d’un travail collaboratif avec Patrick Dufour et Éliane Richard, vice-présidente de la LCC-67. Je tiens aussi à souligner la contribution précieuse de Catherine Bronner, coordinatrice des SOS. Son rôle est central dans la mise en œuvre du dispositif Proxiligue, qui permet aux patients de bénéficier, gratuitement, de SOS à domicile ou à proximité de leur lieu de vie. Ce dispositif emblématique fait partie des six initiatives majeures conduites par la Ligue à l’échelle nationale.
Ma présentation s’inscrivait dans une réflexion collective. J’ai été heureux de constater les nombreuses questions que cela a suscité de la part d’un auditoire varié (médecins, infirmières, représentants d’associations de patients ou d’institutions tel l’ARS).
Quelle est la prochaine étape HanDI Cancer ?
Nous formulons le vœu que l’évaluation de HanDI Cancer par les instances compétentes ouvre la voie à une généralisation du dispositif à l’échelle du Grand Est.
Vous avez concouru et obtenu un poste fléché Handicap au CNRS. Est-ce que votre parcours personnel, médical et scientifique vous a influencé dans le choix des messages que vous avez donnés à HanDI Cancer ou dans d’autres de vos réalisations ?
Absolument. Quand j’ai commencé mon doctorat mon directeur de thèse, le docteur Louis Freysz, m’a accordé une totale liberté ainsi que sa confiance pour définir l’orientation de mon sujet de thèse. J’ai eu la chance de pouvoir transformer mon handicap en une force motrice, en lançant dès ma première année des projets qui ont débouché sur des collaborations, à la fois nationale et internationale. Mon parcours a également été marqué par des expériences enrichissantes, en particulier lors de mon post-doctorat aux États-Unis.
Un leitmotiv transmis par mon maître en médecine, le professeur Daniel Storck, m’a profondément guidé : « Une succession ne se rate pas, elle se prépare vingt ans à l’avance ».
Ce goût pour la compréhension, associé aux compétences croisées des membres de mon équipe de recherche, à la bienveillance, au respect mutuel et au plaisir d’entreprendre, crée un environnement où chacun peut pleinement s’épanouir et révéler son potentiel.
Cette même dynamique - faite de vérité, d’exigence et de respect - est essentielle pour que le patient, lui aussi, puisse espérer, progresser et se dépasser.
Le message d’espoir et de détermination que j’ai souhaité transmettre s’incarne dans deux citations qui m’accompagnent et que je vous partage :
Aujourd’hui, je suis à la fois confiant pour l’avenir et pleinement engagé dans cette collaboration avec la Ligue contre le cancer - comité du Bas-Rhin. Les enjeux sont clairement identifiés. À nous de les relever, sans concession, dans l’intérêt du patient et du citoyen.
Propos recueillis par le service communication de la délégation Alsace du CNRS le 10 juillet 2025.
Handi Cancer : les acteurs impliqués
- porté par le Dispositif spécifique régional du cancer Grand Est NEON et l’Adapei Papillons Blancs d’Alsace,
- avec le partenariat du Centre régional de coordination des dépistages des cancers Grand Est (CRCDC), de l’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (ICANS), les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), le groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace (GHRMSA),
- avec le soutien de : l’Agence régional de santé (ARS) Grand Est
Handicap et cancer NEON DSRC Grand Est